et-loader
Return to previous page

“occam river I” pour birbyné et alto, 2012. Carol Robinson, birbyné, Julia Eckhardt, alto.
“occam I” pour harpe, 2011. Rhodri Davies, harpe.
“occam III” pour birbyné, 2012. Carol Robinson, birbyné.
“occam IV” pour alto, 2012. Julia Eckhardt, alto.
“occam delta II” pour clarinette basse, alto et harpe, 2012. Carol Robinson, clarinette basse, Julia Eckhardt, alto, Rhodri Davies, harpe.

“Au début il y a cette image vue il y a si longtemps, au musée d’histoire naturelle à Los Angeles, l’image d’un long bandeau représentant les longueurs d’ondes connues. Il était évident qu’au delà de la longueur d’onde de la terre au soleil, entre autres planètes, systèmes solaires et galaxies se déploient encore ces longues vagues. Vertige de cet univers ondulatoire dans lequel nous baignons. Tel notre propre corps également animé d’ondulations, de rythmes multiples. Il est tout aussi vertigineux d’aller vers le mini, x-ray, gamma-ray et autre “nano”. Dans ces inconcevables dimensions, il y a aussi cette toute petite zone, entre quelque 50, 60 hertz jusqu’à 12.000 ou plus pour quelques espèces, ces vibrations se transforment en sons.
Pour ne pas sombrer dans ce vertige, plus proche de nous sur cette terre, il y a l’océan. Cet océan nous rapproche d’une contemplation plus accessible. Outre son propre cycle, il reçoit également les fleuves qu’il nourrit. C’est la raison pour laquelle il y a beaucoup de thèmes de rivières dans les occam, de fleuves, de cascades, de sources, de fontaines… tous les thèmes sont associés à l’eau, nécessairement. C’est l’élément qui les parcourt, la représentation de la vie, la vie dans sa fluidité, comme la circulation du sang.
Ce travail que je demande aux musiciens est d’une très grande exigence, ce n’est pas la virtuosité de la rapidité, mais la virtuosité d’un contrôle infime et absolu de l’instrument, une virtuosité extrême, subtile et délicate. Ce que je faisais avec mon synthétiseur était presque semblable ; tourner un potentiomètre de la valeur d’un cheveu pouvait tout changer. Pendant ma période de travail avec le feedback, le même protocole délicat du travail avec un micro et un haut-parleur s’imposait. Il y a une distance à respecter très soigneusement. Aller au-delà, le son disparait, aller trop près et le son éclate en effet larsen. Il faut pouvoir garder le contrôle. Je ne renie pas mon travail électronique, bien que je n’ai jamais rien accompli qui aie pu totalement me satisfaire. La finalisation restait toujours un compromis entre ce que j’avais voulu faire et ce que j’avais pu réaliser techniquement avec mes moyens. Par contre avec les musiciens, j’ai enfin pu entendre pour la première fois la musique que j’appelais “mes phantasmes sonores”.
Quelque soit le moyen utilisé le but essentiel est d’émettre, faire émerger les partiels, les overtones, harmoniques et subharmoniques, cette vibration qui est celle de l’air, non seulement celle de la corde ou du souffle, mais l’impalpable du son. L’instrument qui vibre au-delà de la ou des fondamentales qui génèrent cette richesse extraordinaire qui devient fascination. Cela exige une grande simplicité, sons tenus dans les nuances pianos à mezzo-forte au-delà desquels la fondamentale redevient prédominante. D’où la fameuse règle du rasoir d’occam, il ne faut surtout pas en rajouter, mais privilégier ce contrôle du souffle, ou un simple frôlement, cette caresse d’une clé ou corde suffit à développer et enrichir cet univers infini.” Eliane Radigue