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“Hétérozygote”. Composé entre décembre 1963 et mars 1964. Hétérozygote en biologie signifie : plante dont l’hérédité est mixte. Ceci veut dire que dans cette composition, l’expérience tentée est de fabriquer un langage se situant à la fois sur le plan musical et sur le plan dramatique.
On pourrait appeler ce genre de musique “Musique Anecdotique” car, si l’organisation des événements est purement musicale, leur choix propose des situations se justifiant sur deux plans : celui de la musique et celui de l’anecdote. L’anecdote est pourtant assez peu formulée et est susceptible de diverses interprétations. L’auditeur est alors invité à s’imaginer sa propre anecdote en rejetant – si besoin est – celle que l’auteur propose.
Plus exactement, l’auteur propose un complexe anecdotique pouvant avoir plusieurs significations. L’œuvre précédée par une ouverture est composée de huit tableaux séparés ou non par des intermèdes.
“Petite symphonie intuitive pour un paysage de printemps” (1973–1974).
« Cette musique électroacoustique fait partie d’une série de ce que l’on pourrait appeler « paysage imaginaire sonore ». Contrairement à Presque rien ou le lever du jour au bord de la mer, où le paysage se raconte lui-même, ici c’est un voyageur qui découvre un paysage et qui essaie de l’évoquer comme paysage musical. Nous étions, Brunhild et moi, dans les environs des Gorges du Tarn.
Nous avons eu l’idée de prendre une petite route qui escaladait une montagne rocailleuse pendant une dizaine de kilomètres.
Après un dernier tournant s’ouvrit devant mes yeux un paysage totalement inattendu. C’était le coucher du soleil. Devant nous, un plateau très vaste s’étalait avec de courbes douces jusqu’à l’horizon, jusqu’au soleil. Les couleurs allaient du jaune d’herbe sèche au mauve du lointain, passant par le noir de quelques petits bosquets ponctuant l’espace. La nature presque vide s’offrait à l’œil sans aucun obstacle. On voyait tout.
Plus tard, lorsque je me suis ressouvenu de ce lieu et des sensations que j’avais éprouvées, j’ai essayé de composer une musique qui soit capable de faire revivre mon souvenir.
Le « Causse Méjean » est un haut plateau d’une altitude d’environ 1000 m dans
le Massif Central. Il est ponctué par des fermes loin les unes des autres. Quelques personnages rentraient leurs troupeaux de brebis. J’ai eu l’idée d’évoquer cette présence d’humains solitaire et diffuse par des fragments de conversations que j’ai eues avec quelques-uns des bergers.
Le langage humain est intégré dans la texture musicale ; le son de la voix dit bien plus que ce qu’elle dit réellement.
Un des bergers disait un jour : « … Je ne m’ennuie jamais. J’écoute le paysage. Quelquefois je souffle dans ma flûte et j’écoute l’écho qui me parle… ».
C’est en pensant à lui, que j’ai utilisé la flûte et son écho dans ma musique. »
Luc Ferrari. Le 18 octobre 2002

“Dix années séparent Hétérozygote œuvre concrète considérée comme étant la première à employer des «  matériaux sonores à caractère anecdotique  » de cette Petite symphonie intuitive pour un paysage de printemps, cette «  tentative de reproduire musicalement l’impression d’un paysage  ». Dix années parmi les cinquante dans lesquelles s’est déployée l’œuvre incomparable de Luc Ferrari, œuvre affranchie de tout dogme et qui forge, à travers une écoute curieuse, un hymne au monde vivant, à l’exploration et à la découverte des choses, des hommes et des femmes qui le peuplent.” (François Bonnet, Paris, 2016)