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Certes discrète, la carrière du saxophoniste Philippe Maté n’en aligne pas moins les disques indispensables : que ce soit avec l’Acting Trio, Jean Guérin (Tacet) ou Jef Gilson (Workshop), sans compter ses collaborations en grand orchestre et en quartette avec Lawrence “Butch” Morris, ou sa présence dans le Quatuor de Saxophones et sur le génial L’Enfant assassin des mouches de Jean-Claude Vannier. Quant à l’homme de l’ombre Daniel Vallancien, ingénieur du son peu habitué à être mis en avant sur les pochettes, la collection Actuel du label BYG lui doit énormément (il est aux manettes derrière Anthony Braxton, Don Cherry, Sonny Sharrock ou Steve Lacy), tout comme Saravah pour le compte duquel il a notamment enregistré Areski, Brigitte Fontaine, Maurice Lemaître ou Cohelmec Ensemble : excusez du peu ! Qui plus est, Daniel Vallancien appartient à cette prestigieuse lignée d’ingénieurs du son français aux oreilles ouvertes et souvent eux-mêmes musiciens, même si parfois uniquement de manière occasionnelle : citons Bruno Menny, Daniel Deshays ou Jean-Marc Foussat, qui tous ont eux aussi gravé sous leur nom des opus remarquables. Sous-tendant cette collaboration, l’idée était d’accoucher d’une musique libre, directe et spontanée, bien qu’un minimum réfléchie. Une musique, selon les brèves notes de pochette, voulue “détachée des longues et patientes gestations de laboratoire”. Ici, donc : aucun outillage sophistiqué propre aux recherches électroacoustiques, mais principalement une console, qui dans les mains de Daniel Vallancien agit sur la matière sonore instrumentale originale en direct, et la modifie ou démultiplie tout en respectant son jaillissement naturel. Qu’il s’agisse de Paul Méfano, Betsy Jolas, Gérard Grisey ou Jacques Lejeune, de nombreux compositeurs contemporains ayant oeuvré en France ont, à un moment ou un autre, intégré le saxophone à leur travail. Par exemple, Michel Redolfi, du GRIM puis du CIRM, a expérimenté avec le saxophoniste André Jaume le temps d’un disque convaincant (Hardscore). Pourtant, rien ne peut être comparé à la singularité du dialogue entre Philippe Maté et Daniel Vallancien, décrit par eux-mêmes comme tour à tour “sérieux, sarcastique ou humoristique”, avec çà et là des “sonorités angoissantes”. Sauf que les mots, y compris ceux choisis par les protagonistes de cet album, ne sauraient suffire à décrire pareil objet sonore, aussi difficilement identifiable, et, pour tout dire : sidérant.